devons d’ailleurs jamais perdre de vue que le PageRank est calculé par
des algorithmes qui sont d’une manière générale bien meilleurs pour
apprécier la quantité que la qualité. Google fait donc dans le quantitatif
et accréditer la thèse que cela a un quelconque rapport avec la pertinence
relève de l’escroquerie intellectuelle. Prenons un cas d’école :
si vous recherchez dans Google des documents sur l’holocauste, rien
n’interdit théoriquement que le premier document qui s’affiche dans la
liste des résultats soit une page Web qui remette en cause la réalité de
cet événement historique. Il suffit que cette page soit citée par un très
grand nombre d’autres pages Web pour que cela se produise ; on mesure
ainsi la logique perverse de ce système car quand je souhaite dénoncer
le caractère ignoble d’une page Web, je lui fais quand même de la
publicité en la citant et je fais ainsi augmenter son PageRank.
Dans son pamphlet contre Google1, Barbara Cassin, dénonce également
cette logique quantitative que l’on retrouve dans le classement
de Shanghai qui est censé mesurer la valeur des universités.
Mais le facteur d’impact est aussi une notion statistique qui peut
être biaisée par des chercheurs soucieux de leur notoriété (cela doit
bien exister). Par exemple, si un groupe de chercheurs décide de
s’entendre pour citer mutuellement leurs travaux dans leurs articles,
cela fera mécaniquement augmenter leur facteur d’impact. Bien évidemment,
il ne s’agit là que d’une hypothèse malveillante sortie tout
droit de mon imagination paranoïaque et la réalité, tout au moins
consciente, est d’une tout autre nature. On verra un peu plus loin qu’il
est quand même possible de tricher avec le PageRank…
On comprend donc l’idée générale que la pertinence d’une page
Web, selon Google, se fonde sur le nombre de citations de cette page
Web. Il y a donc une analogie entre la popularité et la pertinence, ce
qui permet à Google de clamer le caractère démocratique de son
moteur de recherche. Devant une telle énormité, on n’arrive pas vraiment
à savoir s’il s’agit d’ignorance, de naïveté ou bien de rouerie ;
c’est d’ailleurs un sentiment général que l’on retrouve face à de nombreuses
affirmations des dirigeants de Google : se moquent-ils vraiment
de nous ou bien sont-ils suffisamment ingénus pour ne pas voir les
effets secondaires de leur technologie ? D’où vient cette désinvolture à
l’égard des questions éthiques et politiques posées par Google ? On
peut sans doute incriminer une certaine forme du pragmatisme américain
et le fait qu’à trop étudier les mathématiques et l’informatique on
en arrive à négliger les sciences humaines et sociales. L’argument final
1. Google-moi : la deuxième mission de l’Amérique, Albin Michel, 2007