curieux renversement des pratiques : au lieu de demander la permission
de mettre en ligne un livre, on vous accorde le droit de dire non a posteriori…
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Il n’est d’ailleurs pas certain que le fait de permettre l’affichage
d’extraits d’un ouvrage soit conforme au droit d’auteur et la question
devra être tranchée par les tribunaux (on pourra lire sur le sujet l’intéressante
analyse d’Emmanuel Pierrat2). Une rapide visite sur le site de
Google montre d’ailleurs que le système des extraits n’est pas très au
point : il arrive parfois que l’extrait n’affiche pas le terme recherché et,
bien souvent, la phrase qui contient le terme recherché n’est même pas
complète.
Devant la levée de boucliers, Google s’est enfin décidé à négocier
avec les éditeurs, mais s’est bien gardé de prendre langue avec les
auteurs. Or, si l’éditeur sert d’intermédiaire pour ce qui concerne les
droits patrimoniaux, en revanche, seuls les auteurs peuvent juger de
l’atteinte au droit moral de leur oeuvre et on doit déplorer qu’ils soient
les grands absents de ce projet. Le dernier argument de Google est en
fait assez significatif : ce projet est bon pour les auteurs car il va faire
vendre des livres dans la mesure où l’affichage d’un extrait d’un livre
est associé à un lien hypertexte vers un site de vente en ligne. Voici
peut-être l’objectif final dévoilé : les livres sont aussi une donnée marchande
et on peut raisonnablement penser que Google se transformera
à très court terme en vendeurs de livres numériques. Et si au fond ce
merveilleux rêve de bibliothèque universelle n’était qu’une banale histoire
de gros sous ?
Quand on veut passer pour un philanthrope qui se pare de vertus
humanistes, on n’agit pas comme cela. Sur ce projet, Google a joué
perso et a bien évidemment agi dans le plus grand secret. Au départ du
projet, les contrats liant les universités partenaires et Google étaient
confidentiels mais, dans la mesure où il s’agit d’établissements publics,
on a pu enfin les obtenir3. Leur lecture montre que si les bibliothèques
universitaires tirent parti de cette numérisation, c’est quand même
Google qui se taille la part du lion. Du strict point de vue scientifique,
1. Cette attitude est d’ailleurs assez systématique chez Google : vous êtes mis
devant le fait accompli qui est en général justifié par des raisons techniques et
c’est à vous de faire machine arrière. La mésaventure des utilisateurs de Google
Reader illustre parfaitement ce principe :
http://www.silicon.fr/fr/news/2007/12/28/google_faux_pas_reader_talk
2. La guerre des copyrights, Fayard, 2006
3. http://kcoyle.blogspot.com/2006/08/dotted-line.html