ENTRER EN RÉSISTANCE
Ma croisade contre Google ne s’apparente pas à une lutte contre
l’impérialisme culturel américain, mais plutôt à un combat contre
l’idéologie scientifique et technique. Avec Google, on a vraiment
l’impression d’une société pilotée par des ingénieurs qui ne voient pas
plus loin que le bout de leur nez et dont la vision éthique est proche du
degré zéro.
Fait encore plus insupportable, Google se moque du monde avec sa
philosophie de pacotille : en effet, il ne faut pas manquer d’audace pour
avoir comme devise « Don’t be evil » (ne soyez pas méchant) et se
conduire comme Google le fait. Une grande interrogation demeure :
s’agit-il de cynisme ou bien d’une incapacité à réfléchir aux conséquences
sociales et politiques de la technologie ? En tous les cas, cette farce
de l’angélisme est une insulte à notre intelligence : par pitié, continuez
à servir nos requêtes rapidement, mais ne nous prenez pas en plus pour
des gogos sans conscience !
L’utilisation de Google nous fait souvent perdre notre esprit critique
et nous devons à tout prix lutter contre notre penchant naturel qui
nous pousse à agir rapidement sans nous poser de questions. Il nous faut
bannir la fonction « J’ai de la chance » de la page d’accueil de Google
car la chance n’existe pas en matière de recherche d’information. De la
même manière, nous ne devons pas nous contenter de la première page
de résultats, à l’image des mauvais élèves qui ne regardent que le premier
sens d’un terme dans un dictionnaire. Réapprenons aussi le plaisir
de fouiner dans les rayons d’une bibliothèque ou d’une librairie car
toute la connaissance du monde n’est pas soluble dans Google.
Nous devons réfléchir au statut de l’information et nous interroger
sur la manière dont Google la traite. Si, à la lecture de ce chapitre,
vous regardez Google d’un autre oeil quand vous effectuez une recherche,
j’aurai alors gagné mon pari.
Le monopole de Google doit aussi nous inquiéter car si le monopole
de Microsoft en matière de système d’exploitation est dangereux, il en
va de même pour la recherche d’information. Google, dans sa volonté
d’englober toute l’information de manière totalitaire, a un côté extrêmement
effrayant. Le pire, en la matière, est sans doute le dernier paragraphe
de Google Story que je vous laisse méditer :
« Pourquoi ne pas se lancer dans l’amélioration du cerveau ?
demandait Brin. Il faudrait beaucoup de puissance informatique. Peutêtre
qu’à l’avenir, nous pourrons fournir une version allégée de Google
qu’il suffira de connecter à son cerveau. Il faudrait qu’on mette au