Dunod - Les dix plaies d'Internet -  Dominique Maniez - Entrer en résistance - page 26
ENTRER EN RÉSISTANCE Ma croisade contre Google ne s’apparente pas à une lutte contre l’impérialisme culturel américain, mais plutôt à un combat contre l’idéologie scientifique et technique. Avec Google, on a vraiment l’impression d’une société pilotée par des ingénieurs qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez et dont la vision éthique est proche du degré zéro. Fait encore plus insupportable, Google se moque du monde avec sa philosophie de pacotille : en effet, il ne faut pas manquer d’audace pour avoir comme devise « Don’t be evil » (ne soyez pas méchant) et se conduire comme Google le fait. Une grande interrogation demeure : s’agit-il de cynisme ou bien d’une incapacité à réfléchir aux conséquences sociales et politiques de la technologie ? En tous les cas, cette farce de l’angélisme est une insulte à notre intelligence : par pitié, continuez à servir nos requêtes rapidement, mais ne nous prenez pas en plus pour des gogos sans conscience ! L’utilisation de Google nous fait souvent perdre notre esprit critique et nous devons à tout prix lutter contre notre penchant naturel qui nous pousse à agir rapidement sans nous poser de questions. Il nous faut bannir la fonction « J’ai de la chance » de la page d’accueil de Google car la chance n’existe pas en matière de recherche d’information. De la même manière, nous ne devons pas nous contenter de la première page de résultats, à l’image des mauvais élèves qui ne regardent que le premier sens d’un terme dans un dictionnaire. Réapprenons aussi le plaisir de fouiner dans les rayons d’une bibliothèque ou d’une librairie car toute la connaissance du monde n’est pas soluble dans Google. Nous devons réfléchir au statut de l’information et nous interroger sur la manière dont Google la traite. Si, à la lecture de ce chapitre, vous regardez Google d’un autre oeil quand vous effectuez une recherche, j’aurai alors gagné mon pari. Le monopole de Google doit aussi nous inquiéter car si le monopole de Microsoft en matière de système d’exploitation est dangereux, il en va de même pour la recherche d’information. Google, dans sa volonté d’englober toute l’information de manière totalitaire, a un côté extrêmement effrayant. Le pire, en la matière, est sans doute le dernier paragraphe de Google Story que je vous laisse méditer : « Pourquoi ne pas se lancer dans l’amélioration du cerveau ? demandait Brin. Il faudrait beaucoup de puissance informatique. Peutêtre qu’à l’avenir, nous pourrons fournir une version allégée de Google qu’il suffira de connecter à son cerveau. Il faudrait qu’on mette au