Le fantasme de la totalité - page 11
de Jean-Noël Jeanneney, force est de constater qu’il fut l’un des premiers à porter le débat sur la place publique. Il n’est cependant pas certain que l’actuelle Ministre de la Culture ait parfaitement saisi tous les enjeux du problème car un communiqué de presse1 daté du 2 octobre 2007 nous apprend que « la Ministre a manifesté son intention d’accélérer le calendrier de la constitution du « patrimoine numérique français » et a demandé à Google, leader mondial des technologies de moteurs de recherche, de formuler prochainement ses suggestions voire ses recommandations à l’attention du ministère de la Culture et de la Communication pour augmenter la visibilité du patrimoine culturel français sur l’Internet. » On ne sait pas très bien comment interpréter cette nouvelle forme de collaboration avec cet ennemi naturel : s’agit-il d’une tentative d’entrisme, d’un pragmatisme qui plébiscite la réussite économique ou bien encore d’une renonciation aux sains principes de l’exception culturelle à la française ? Nous laisserons le lecteur juger par lui-même… Encore une fois, ce que l’on peut reprocher à Google, c’est d’avoir voulu résoudre uniquement les problèmes techniques sans réellement penser aux conséquences de cette initiative. Cette vision techniciste se révèle vite un peu courte quand on aspire à de si vastes projets. Autres griefs dont on peut accabler ce projet : le manque de transparence et une présentation fallacieuse de ses objectifs. D’autre part, quand Google prétend respecter scrupuleusement les droits des auteurs et des éditeurs, il s’agit là d’un gros mensonge ou tout du moins d’une réécriture de l’histoire. En effet, lors de l’annonce du projet, les éditeurs de livres n’avaient pas été consultés et bon nombre d’éditeurs et d’auteurs ont été très étonnés d’apprendre que l’on allait numériser leurs ouvrages sans leur consentement. C’est un peu cela la méthode Google : on crée une très jolie machine qui numérise un millier de pages à l’heure, mais on ne se préoccupe pas du droit d’auteur. Aux États-Unis, cette approche n’a pas plu à tout le monde et la Guilde des Auteurs et l’Association des Éditeurs Américains a porté plainte contre Google pour non respect du droit d’auteur. Google s’est défendu en arguant que les ouvrages encore sous copyright seraient effectivement intégrés dans sa base de données, mais ne pourraient pas être visualisés en texte intégral, seuls quelques extraits pouvant être affichés. De plus, les éditeurs mécontents pouvaient demander à ce que leurs ouvrages soient retirés de l’index de Google. Décidément, la société de Mountain View est grand seigneur ! Voici quand même un 1. http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/index.htm