« Le but du Projet Bibliothèque est simple : nous souhaitons permettre
aux lecteurs d’accéder aux livres qui les intéressent (notamment
les ouvrages épuisés généralement introuvables), tout en respectant
scrupuleusement les droits des auteurs et des éditeurs. Notre but est de
travailler avec des éditeurs et des bibliothèques pour créer un catalogue
virtuel complet de tous les livres et dans toutes les langues, dans lequel
les internautes pourront effectuer des recherches. Par le biais de ce
catalogue, nous souhaitons aider les internautes à découvrir de nouveaux
livres et les éditeurs à trouver de nouveaux lecteurs ».
Mais qui pourrait donc être contre un pareil objectif qui semble
pouvoir enfin réaliser le mythe de la bibliothèque universelle qui hante
l’humanité depuis que l’écriture existe ? Grâce à Google, je vais pouvoir
consulter depuis chez moi les trésors de la bibliothèque de Harvard
qui sont situés à plusieurs milliers de kilomètres de mon domicile. Ce
projet, qui fait pourtant rêver tout bibliothécaire normalement constitué,
a néanmoins trouvé sur son chemin quelques grincheux qui ont
émis des critiques dont certaines me paraissent fort justifiées.
En France, l’un des premiers à avoir tiré le signal d’alarme est Jean-
Noël Jeanneney. Dans une tribune parue dans le Monde (édition datée
du 23 janvier 2005) et intitulée « Quand Google défie l’Europe », le
président de la BNF stigmatise l’impérialisme culturel américain :
« Voici que s’affirme le risque d’une domination écrasante de
l’Amérique dans la définition de l’idée que les prochaines générations
se feront du monde. Quelle que soit en effet la largeur du spectre
annoncé par Google, l’exhaustivité est hors d’atteinte, à vue humaine.
Toute entreprise de ce genre implique donc des choix drastiques, parmi
l’immensité du possible. Les bibliothèques qui vont se lancer dans cette
entreprise sont certes généreusement ouvertes à la civilisation et aux
oeuvres des autres pays. Il n’empêche : les critères du choix seront puissamment
marqués (même si nous contribuons nous-mêmes, naturellement
sans bouder, à ces richesses) par le regard qui est celui des Anglo-
Saxons, avec ses couleurs spécifiques par rapport à la diversité des
civilisations. »
Quelques mois plus tard, Jean-Noël Jeanneney publiera un petit
essai1 qui rassemble toutes ses critiques à l’égard du projet de Google et
lancera un projet concurrent de bibliothèque numérique européenne2.
Même si l’on n’est pas toujours d’accord avec chacune des objections
1. Quand Google défie l’Europe 2e édition, Mille et une nuits, 2006
2. http://www.europeana.eu