Les modèles hiérarchiques
de la compréhension de récit
Mais les scénarios ne permettent pas d’expliquer des niveaux d’organisation
plus élevés qui correspondent à des récits ou aux textes de la littérature.
Sous l’influence des modèles hiérarchiques de la mémoire et de la
grammaire de Chomsky, le récit est principalement vu comme une macrostructure
de type hiérarchique.
Ainsi, Jean Mandler et Nancy Johnson (1977), de l’université de Californie,
qui avaient travaillé sur l’organisation des catégories en mémoire, ont proposé
une grammaire de récit inspirée de Chomsky mais appliquée à la
sémantique de l’histoire. Cette perspective reprend de manière plus analytique
une conception fort originale de l’Anglais Frederic Bartlett (1932)
qui étudiait la mémoire, non pas sur des choses artificielles mais sur des
choses de la vie réelle. Parmi d’autres expériences originales, il avait fait
apprendre, à ses étudiants de Cambridge, une histoire tirée des légendes
indiennes. Le rappel des étudiants était loin d’un rappel « par coeur » mais
était une réduction à des thèmes centraux, avec des mots plus modernes
(par exemple, barque au lieu de canoë), etc., ce qui avait conduit Bartlett à
considérer le rappel comme une reconstruction mêlant les connaissances
du texte aux connaissances antérieures ou assurant une logique causale
pour reconstituer des passages ambigus (cf. chap. 5). Voici un extrait de ce
texte d’une page.
La Guerre des fantômes
Une nuit deux jeunes hommes d’Égulac descendirent à la rivière pour chasser les
phoques, et tandis qu’ils étaient là, le brouillard et le calme s’installèrent. Alors ils
entendirent des cris de guerre et pensèrent « Peut-être est-ce une bataille ». Ils s’enfuirent
vers la plage et se cachèrent derrière un tronc. Alors des canoës approchèrent, et
ils entendirent le bruit des pagaïes… »
Dans la grammaire, le récit se découpe (Figure 7.6) en
épisodes dont chacun a un début, un développement
(avec des tentatives, se cacher, ou des actions, se battre)
et une fin (but ou résultat). Le début commence par
exemple en un cadre, le bord de la rivière par un temps
brumeux, suivent plusieurs épisodes en une structure
composée, par exemple le premier qui débute avec
les cris entendus et se termine (but) en se cachant
derrière un tronc… Certains épisodes peuvent être
connectés par une logique de dépendance (si… alors)
de type causal ou temporel, d’autres peuvent être des
développements secondaires et donc oubliés ou rappelés
dans des ordres divers au cours du rappel.
Le rappel de différentes petites histoires montre
l’importance de cette structure dans la mesure où les
éléments ne sont pas égaux (Figure 7.6) en fonction
de différents âges. Les jeunes enfants (7 ans) rappellent
surtout le cadre (lieu et temps) les débuts et les